Alexis Magnoux, un papy farceur...

Je ne résiste pas à l'envie de vous parler d'Alexis Magnoux.

Alexis n'est pas à proprement parler notre ancêtre. Il est l'arrière grand-père de notre vieux cousin Julien Vandier par son père. Il n'a donc pas de lien de sang avec notre propre lignée.

Alexis est né le 5 janvier 1813 à La Chapelle-Bâton. Il est le quatrième enfant (sur cinq) d'André Magnoux et Marie Raison.

Quand Alexis a décidé de se marier, il était déjà d'un âge assez avancé pour un jeune marié, puisqu'il avait 34 ans, c'était en 1847. Il était alors agriculteur au village de Bois-Aigu, sur la commune d'Augé.

Sa future épouse, Louise Françoise Baguet, avait elle même 32 ans, née le 02 décembre 1814 au village de Saint-Denis sur la commune de Verruyes. Elle vivait alors en 1847 au domicile de Monsieur Magnier dans le bourg de Champdeniers, chez qui elle était domestique.

Alexis et Louise Françoise se sont mariés à la mairie de Champdeniers le 28 septembre 1847.

La mariée était déjà maman à cette époque d'une petite fille âgée de 5 ans, Marie Julie, née à Mazières-en-Gâtine le 2 mai 1842, déclarée alors de père inconnu. A l'occasion de leur mariage, Alexis et Louise Françoise ont reconnu Marie Julie comme étant la leur, laquelle portera désormais le patronyme de Marie Julie Magnoux.

Le couple s'installe au village de  Bois-Aigu où il aura ensuite trois autres filles, toutes les trois nées à Bois-Aigu.

- Caroline Radégonde Magnoux, le 25 juillet 1848

- Julie Clémence Magnoux, le 11 août 1852

- Enfin Françoise Magnoux, le 31 août 1858

Et Alexis mène sa vie d'agriculteur, entouré de sa femme et de ses quatre filles.

Il arrive même à agrandir son patrimoine.

Il y avait plusieurs années qu'il avait l'œil sur "l'écouessonnée", une belle pièce de terre à labour de 18 ares dans la plaine, qui appartenait à Jacques Vivier de la Porte de la Carte sur la commune de Cherveux et qui était contigüe à ses propres terres. En 1855 il a réussi à l'acheter, pour 605 Francs, une belle somme alors. Heureusement, Jacques Vivier n'a pas exigé un paiement comptant, il a pu en régler la moitié à la Saint-Michel de 1855 et l'autre moitié à la Saint-Michel de 1856, avec un intérêt de 5%.

Ce n'était qu'une partie de "l'écouessonnée", le reste, de 28 ares et 40 centiares, appartenait à la famille Palustre. Aussi, quelle aubaine quand le fils Palustre, Louis, alors étudiant en droit, résidant rue des Saints Pères à Paris, a fait savoir qu'il était vendeur. Alexis s'est porté acquéreur pour la coquette somme de 1 100 Francs, qu'il a pu payer en quatre annuités, chaque Saint-Michel en 1863, 1864, 1865 et 1866, au taux d'intérêt de 5%.

Alexis était désormais propriétaire de "l'écouessonnée" en entier, soit une belle pièce de labour de plus de 45 ares.

En 1867, Alexis et Louise Françoise marient leur fille aînée, Marie Julie, qui était alors placée comme servante au Patrouillet de la commune d'Augé. Elle épouse à la mairie de La Chapelle-Bâton, Alexis Couturier, menuisier, demeurant au village de Saint-Projet.

Elle aura deux enfants avec Alexis Couturier, Marie Clémence et Alexis Victor, nés en 1868 et 1870. Mais Alexis Couturier décède prématurément en 1871 à 33 ans.

Elle se remariera en 1874 à Echiré avec François Elie (qui n'a rien à voir avec notre lignée d'aïeux Elie), lequel à son tour décèdera très jeune en 1877, à moins de 30 ans, sans lui avoir fait d'autre enfant.

 

En 1872, c'est la troisième fille d'Alexis et Louise Françoise, Julie Clémence, qui épouse à la mairie d'Augé, Alexandre Passebon, un voisin de Bois-Aigu.

Elle aura avec Alexandre Passebon, deux enfants, nés en 1876 et 1879, Armand et Alexandre.

Julie Clémence Magnoux décède très jeune, le 18 juillet 1881, elle n'a pas 29 ans... probablement une grossesse mal terminée...

Alexandre Passebon se remariera en 1882 avec Marie Angèle Goulard, qui lui donnera ensuite une très grande descendance (une douzaine d'enfants après les deux premiers avec Julie Clémence).

 

En 1874, Alexis et Louise Françoise marient ensuite leur fille Caroline Radégonde avec Pierre Vandier, tisserand au Breuil de Bessé. Ce sont les grands parents de notre cousin Julien.

Ils auront trois enfants, Pierre Vandier en avril 1875, qui décèdera alors qu'il était encore nourrisson, puis Charles Vandier en 1876 (le père de Cousin Julien) et Léontine Vandier en 1884.

Caroline Radégonde Magnoux décède en 1889, elle n'a que 45 ans. Pierre Vandier se remariera ensuite, en 1890, avec Magdelaine Menant, une "vieille fille" âgée de 45 ans, qui ne lui donnera donc pas d'autre enfant.

 

Enfin, c'est en 1879, le jour du 1er janvier, qu'Alexis et Louise Françoise marient leur quatrième fille Françoise, qui s'unit à la mairie d'Augé avec François Chaigneau, domestique à Augé, natif de Saint-Georges-de-Noisné.

Ils auront trois filles, Marie Louise, Clémence et Aline en 1879, 1882 et 1893.

 

En 1886, Alexis et Louise Françoise ont 73 ans et 72 ans, un âge déjà bien avancé. Ils sont toujours à Bois-Aigu, leurs quatre filles sont mariées, ils sont entourés de huit petits enfants, ils sentent bien que leur vie tire à sa fin. Il est temps pour eux de préparer l'avenir, et de préparer la transmission de leurs biens.

Alors c'est décidé, tout le monde va se réunir, le 5 décembre 1886, en l'étude de Me Guerry, notaire à Saint-Maixent, pour faire le partage de leurs biens, divisés en quatre lots, à répartir entre :

- Julie Magnoux, veuve d'Alexis Couturier puis de François Elie, cuisinière au Château des Loges à La-Chapelle-Bâton, chez M. De La Roulière, pour un quart.

- Caroline Magnoux, épouse de Pierre Vandier, au Breuil-de-Bessé, pour un quart.

- Françoise Magnoux, épouse de François Chaigneau, à Bois-Aigu, pour un quart.

- Armand et Alexandre Passebon, leurs petits enfants, issus du mariage de feue Clémence Magnoux, pour un huitième chacun.

Caroline et Pierre Vandier, les grands parents de Julien, recevront le troisième lot, constitué d'un pré de 7 ares, dit "Le Pré Long", au bord du ruisseau du Marcusson en bas de Bois-Aigu (sans aucun doute un de ces prés où nous allions quand nous étions enfants, avec notre père à la saison, ramasser des souchettes, ces délicieux petits champignons qui poussent en grappes sur les vieilles souches de peupliers), et de la pièce de labour de 45 ares, "l'écouessonnée" dans la plaine de La Touche Levrault, acquise en deux fois vingt ans plus tôt à Vivier et à Palustre (ce qu'il restait de cette parcelle est celle que nous avons vendue il y a quelques mois à la famille Papet, qui l'exploitait depuis des années sans titre).

Voilà, tout est en ordre, Alexis et Louise Françoise peuvent mourir tranquilles, leur succession est réglée d'avance, il n'y aura pas de litige au moment de leur décès. Une belle tranquillité d'esprit ! Ils vont donc pouvoir finir leur vie sereinement à Bois-Aigu.

Et le 21 octobre 1887, un peu moins d'un an après la donation, Louise Françoise décède à Bois-Aigu. Elle a 73 ans, pour cette époque, elle a bien vécu. C'est la vie...

Est-ce le décès de Louise Françoise qui en est la cause ?

En tout cas, c'est maintenant qu'Alexis va commencer à faire des siennes !

Il a dû se sentir ragaillardir après le décès de sa femme. Et deux ans et demi plus tard, le 5 février 1890, Alexis Magnoux, 77 ans, épouse à la mairie d'Augé Louise Adéline Bonnin, servante dans le village de Bois-Aigu. Elle est alors âgée de 16 ans !

Voilà une affaire qui n'a pas dû faire rire la famille d'Alexis. Mais que peut bien faire ce vieillard avec cette gamine, plus jeune que ses petits enfants ?

Et pire encore ! Voilà que deux ans plus tard, en 1892, Louise Adéline est enceinte !

Et au mois d'octobre 1892, Louise Adéline va chez ses parents à Lussay, sur la commune de Cherveux, où elle accouche d'une petite fille, Marie Louise Adéline, née le 21 octobre 1892, laquelle est déclarée le lendemain à la mairie de Cherveux par Alexis Magnoux, qui se dit père de l'enfant.

Alexis a 79 ans, presque 80 ans, et il est de nouveau père de famille...

Et le 16 mai 1893, Alexis décède à Bois-Aigu, à 80 ans passés... Et tout est à refaire ! La donation partage réalisée 6 ans plus tôt, qui était censée préparer la succession dans la sérénité, n'a plus aucune valeur, car il faut bien intéresser ce nourrisson à l'affaire !

Et bien évidemment tout ceci se terminera par un procès en bonne et due forme, et un jugement rendu par le Tribunal Civil de Niort en date du 31 octobre 1893, au terme duquel il est stipulé que l'acte de 1886 conserve son caractère de donation, mais qu'en revanche il ne peut être maintenu quant au partage qui l'a suivi. Du coup, le juge a ordonné que soit procédé à la vente de tous les biens partagés alors, pour pouvoir ensuite répartir le produit de la vente entre les héritiers, et il charge Me Guerry, notaire à Saint-Maixent, d'y procéder.

Les quatre héritiers du premier mariage sont héritiers à hauteur d'un quart pour les biens issus de l'héritage de Louise Françoise Baguet leur mère, mais d'un cinquième seulement pour les biens issus d'Alexis Magnoux leur père, le dernier cinquième revenant à la petite Marie Louise Adéline.

Et voilà, tous les héritiers du premier mariage, vont devoir racheter aux enchères à la bougie, les biens qui leur avaient été attribués sept ans plus tôt... et tout le monde se retrouve à l'étude de Me Guerry le 21 janvier 1894.

Pour le "Pré Long", mis à prix par Me Guerry à 75 Francs, Pierre Vandier au nom de ses enfants Charles et Léontine, a dû porter une enchère à 95 Francs pour qu'il lui soit adjugé.

Pour le labour de La Plaine Levrault, mis à prix par Me Guerry à 1 050 Francs, Pierre Vandier a dû enchérir à 1 070 Francs pour l'acquérir.

Ajoutez à cela les frais du procès, les honoraires des avoués, Me Léaud pour les premiers héritiers demandeurs, et Me Duvignaux pour la seconde épouse défenderesse, les dépens du procès, les honoraires de Me Guerry, les charges légales sur la vente aux enchères, voilà une plaisanterie commise par Alexis, qui coûte un bras à ses héritiers...

Moralité : La donation partage n'est pas toujours une bonne solution pour anticiper les successions... Surtout quand le grand-père manque de fiabilité ou pousse le sens de la farce un peu loin....

 



Sources : Archives départementales, actes notariés dans mes archives familiales

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