A comme... Apothicaire
Notre ancêtre Louis Rondier vivait au XVIIe siècle, dans le village de Chantecorps, entre Clavé et Ménigoute, où il cumulait les fonctions d'Apothicaire et de Maître Chirurgien, autrement dit pharmacien et médecin à la fois.
Au cœur du village, dans sa petite boutique aux poutres noircies par les ans, Louis Rondier commençait sa journée avant même que les coqs ne songent à chanter. Dès qu'il poussait les volets, l'odeur familière des plantes séchées s'échappait dans l'air frais : lavande, coriandre, valériane… un parfum qui, pour lui, valait mieux que n'importe quel encens.
Sa boutique était son royaume. Les étagères croulaient sous les pots de faïence, chacun soigneusement étiqueté de sa main : radix angelica , pulvis cinchonæ , mel rosatum . Dans un coin, un gros alambic en cuivre attendait de reprendre son ballet de vapeur. Sur la grande table, un mortier de bronze trônait comme un vieux compagnon de travail.
Ce matin-là, Louis préparait un sirop destiné à calmer les quintes de toux qui couraient dans le village depuis les premières fraîcheurs. Il mesurait son miel, chauffait doucement, ajoutait la décoction de guimauve et de thym, observant la couleur dorée prendre cette nuance si caractéristique. Le geste était précis, presque cérémoniel : Louis tenait à la qualité de ses remèdes autant qu'un orfèvre à la pureté de son métal.
À peine avait-il commencé à remplir ses fioles que Louise Papin, la jeune épouse d'Antoine Bigeonneau, entra, emmitouflée dans un châle.
"- Maître Rondier… c'est mon petit François, il dort mal", murmura-t-elle.
Louis l'écouta avec attention, note après note. Puis il prit une poignée de fleurs de tilleul, un peu de camomille, et composa un mélange apaisant qu'il lui tendit dans un sachet de toile.
"- Infusez-le le soir, pas plus d'un quart d'heure. Et pas de sucreries avant le coucher", conseilla-t-il, avec ce sourire malicieux qu'on lui connaît, car le conseil était bien inutile tant le sucre était une denrée rare dans notre Poitou du XVIIe siècle, particulièrement dans la population paysanne.
Toute la journée, les habitants se succédèrent : le vieux Jean Boutin cherchant de quoi soulager les douleurs d'hiver de sa femme Marie Rousselot. Puis ce sera la jeune Marie Boiceau, venue lui demander un parfum pour plaire à Jacques Caillaud, son promis, il lui conseillera un onguent à base de millepertuis. Puis un colporteur de passage, réclamant quelque chose contre les maux de ventre que lui causaient les routes interminables.
Louis écoutait, questionnait, choisissait patiemment ses ingrédients, écrasait, distillait, infusait, toujours avec la même exigence. Son savoir, mêlé de botanique, de chimie naissante et de recettes héritées d'anciens maîtres, faisait de lui l'un des piliers du village.
Ce n'est qu'à la tombée du jour qu'il posa enfin son mortier. La boutique baignait dans une lumière dorée. Il s'accorda une courte pause près du feu, notant ses préparations du jour dans son registre, révisant mentalement ce qu'il devrait distiller le lendemain. La chirurgie, elle, n'avait pas réclamé son aide ce jour-là, et cela l'arrangeait bien. Les plantes, elles, avaient suffi à remplir son temps.
Louis Rondier, apothicaire de Chantecorps, referma sa boutique en laissant derrière lui une douce odeur d'herbes et de résines. Dans ce village du Poitou, au XVIIᵉ siècle, son art était plus qu'un métier : c'était une présence constante, un fil discret mais solide qui reliait les gens à la santé, à la confiance, et parfois, à un peu d'espoir.
Autour de 1650, Louis Rondier a épousé Magdelaine Mayoux. Ils ont eu au moins trois enfants,
- Marie née vers 1654 et décédée en 1693,
- Notre ancêtre Louis, né en 1657 à Chantecorps, qui deviendra plus tard Sieur de la Garsonnière, notaire et procureur de la Châtellenie de Bois-Pouvreau,
- Thomas, né à Chantecorps en 1660, qui entrera dans les ordres, et sera d'abord Curé de la paroisse de Saint-Germier, puis Chapelain du Rosaire de Sanxay.
Peut-être en ont-ils eu d'autres que je n'ai pu identifier.
Magdelaine Mayoux est décédée à Sanxay en 1683, elle avait cinquante ans.
Louis Rondier lui a survécu jusqu'en 1703, date à laquelle il est décédé dans la cure de Saint-Germier, chez son fils Thomas qui était alors curé de la paroisse.
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