B comme... Boulanger





En cette année 1740, dans la petite paroisse de Saint-Martin-du-Fouilloux , il fait encore nuit noire quand Jacques Origny, maître Boulanger du village, s'affaire déjà dans son fournil. La flamme danse dans le four à bois, dont la gueule ouverte rougit les murs de pierre. La chaleur est étouffante, mais Jacques y est habitué ; il n'a que 24 ans, mais cela fait bien longtemps maintenant, depuis son apprentissage chez le Maître Boulanger de La Ferrière, qu'il pétrit la pâte et fait chauffer le four.

Son métier commence toujours dans la nuit. À la lueur vacillante d'une chandelle, il verse la farine de froment dans le grand pétrin de bois, ajoute de l'eau claire du puits, un peu de sel, et surtout le levain qu'il conserve précieusement d'un jour à l'autre. Ses bras puissants pétrissent la pâte avec régularité, le rythme est celui d'une prière silencieuse. Dans le silence du fournil, on n'entend que le souffle du feu et le craquement du bois qui brûle.

Lorsque la pâte a levé, Jacques la façonne en grandes boules qu'il dépose sur la pelle, avant de les glisser dans le four chauffé depuis des heures. Pendant la cuisson, il s'assied un moment sur son banc de pierre, essuie son front, et pense à sa femme Jeanne, qui dort encore, mais qui dès l'aube, vendra le pain chaud sur le pas de la boutique. Le pain bis, fait d'un mélange de blé et de seigle, sera pour les paysans ; le pain blanc, plus rare et plus cher, ira chez les notables de la paroisse.

Jacques doit veiller à tout : la qualité de la farine, la justesse du feu, mais aussi le prix du pain. Ce pain est trop précieux pour la population pour que son prix soit laissé à l'appréciation du marché... C'est l'Intendant de la Généralité du Poitou qui en fixe le niveau. Trop cher, Jacques risquerait les reproches du curé ou du bailli, trop bas, il ne nourrirait plus sa propre famille... Il se souvient encore de la grande disette de 1738, quand les récoltes avaient manqué et que les villageois venaient supplier à sa porte pour un quignon de pain.

Vers sept heures, le fournil embaume une odeur dorée et rassurante. Les enfants du village accourent, un sol à la main, pour acheter la première fournée. Jacques les regarde avec tendresse, il sait qu'ils reviendront demain, et que son travail recommencera, immuable.

Ainsi va la vie du boulanger de Saint-Martin-du-Fouilloux : dure, réglée par le feu et la farine, mais indispensable. Sans lui, le village n'aurait plus son pain, ni son réconfort quotidien. Et lorsque les cloches de l'église sonnent la messe du dimanche, Jacques Origny peut, l'espace d'un instant, goûter la satisfaction tranquille de celui qui, par son labeur, fait vivre les siens et nourrit les autres, à une époque où le pain représentait plus de la moitié des apports alimentaires du peuple.

Jacques est né à Oroux le 30 janvier 1716 chez Jacques Origny, marchand tuilier et Anne Gardien. En 1736 il épouse Jeanne Rousselière, originaire de Saint-Aubin-Le-Cloud.

Ensemble ils s'installent d'abord à Beaulieu-sous-Parthenay, où ils vont mettre au monde leur première fille, Marie Jeanne le 30 janvier 1738, dont nous sommes les descendants. Mais très vite ils vont venir prendre possession du fournil de Saint-Martin-du-Fouilloux.

Ensemble ils auront quatre autres enfants, Marie Jacquette en mars 1741, René en avril 1743 et deux jumeaux en novembre 1746. Mais Jacques et Jeanne n'ont pas été chanceux, les deux jumeaux sont décédés aussitôt leur naissance comme c'était presque toujours le cas à cette époque, mais également Marie Jacquette est morte à seulement trois ans, et René à son tour à l'âge de six ans. Et Jeanne elle-même ne s'est malheureusement pas remise de sa dernière grossesse gémellaire, et elle décède en février 1747 à l'âge de trente ans.

Jacques Origny se remarie dès le mois de mai 1747 à Chantecorps avec Françoise Boisneau, une jeune veuve. Elle lui donnera bien sûr d'autres enfants, tous nés à Saint-Martin-du-Fouilloux, Jacques-Joseph en 1748, Marie-Françoise en 1750, un enfant mort-né en 1757, et encore une Marie-Françoise en 1761.

Jacques Origny était non seulement le boulanger du bourg de Saint-Martin-du-Fouilloux, mais il en a été aussi le Syndic, ce qui faisait de lui un notable.

Le Syndic de la paroisse était un représentant élu des habitants (mais aussi approuvé par le représentant du Roi), chargé de gérer les affaires civiles, financières et administratives de la communauté paroissiale. Il s'occupe notamment de la répartition des impôts, de l'entretien des biens communs et de la représentation de la paroisse auprès des autorités royales. Il travaillait aux côtés du curé, lequel était responsable du spirituel. Son rôle a disparu avec la Révolution française, remplacé en 1790 par celui du maire.

Jacques Origny décède à Saint-Martin-du-Fouilloux en octobre 1762, à l'âge de 46 ans.

 



Commentaires

  1. Très heureux de te lire à nouveau ! Tu prépares le Challenge A-Z 2026 :-) ?

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    1. Salut mon ami Philippe... Le challenge A-Z 2025, je l'ai fait en suivant la page facebook de l'Arbre de nos ancêtres. Et je recycle mes articles sur mon blog. Celui de 2026, je vais le préparer la semaine prochaine avec Généa79.

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