C comme... Charpentier




Avec le métier que faisait notre père, je ne pouvais pas passer à côté de ce métier de charpentier. Dans notre arbre il y en a bien deux dizaines... Il fallait que j'en choisisse un, ce sera Jean Aubin, fils de Jean Aubin et Marie Fouquet. Il est né à Fomperron le 22 septembre 1692.

Jean Aubin se levait avant le soleil, quand le village de Fomperron était encore noyé dans le silence et l’odeur froide des prés humides. Dans sa petite maison de torchis, il enfilait sa blouse et son tablier de cuir, attrapait ses outils soigneusement rangés sur une planche au mur, puis sortait rejoindre l’atelier derrière la grange. C’était là que commençait sa journée de charpentier, une journée comme il en vivait depuis vingt ans.

Sur l’établi, on trouvait tout son monde : la grande scie égoïne dont il affûtait les dents presque religieusement, l’herminette dont le fil luisait encore, les varlopes qui glissaient sur le bois comme si elles le connaissaient depuis toujours, et les tarières qui creusaient les mortaises à la force du poignet. Chaque outil avait son histoire, et Jean les traitait avec un respect tranquille, comme des compagnons silencieux de longue date.

Ce matin-là, Jean travaillait à la charpente du grenier d’une ferme située à l’entrée du village. Il avait préparé des poutres de chêne taillées dans un arbre qu'il était allé choisir lui-même dans la forêt de Soudan, lourdes comme des bœufs, mais droites et solides. Il les avait d’abord dressées sur des tréteaux, puis avait tracé au charbon le trait, cette géométrie au sol qui guidait toute la construction. C’était un savoir qu’on lui avait transmis quand il était apprenti, un savoir où la règle, la corde et l’œil remplacent les plans compliqués.

Sur le chantier, Jean maniait ses outils avec une précision tranquille. Il taillait un tenon, vérifiait l’angle, glissait une cheville de bois dans l’assemblage, puis levait les poutres avec l’aide des voisins. Les gestes se faisaient dans une sorte de chorégraphie rustique : des cordes qui crissent, des pieds qui s’ancrent, le souffle des hommes, et parfois le rire d’une femme venue apporter du cidre.

Les charpentes que Jean laissait derrière lui avaient une allure reconnaissable : des entraits massifs, des arbalétriers au grain serré, et surtout une élégance discrète, celle qui ne se remarque que quand elle manque. Il avait construit des granges qui tenaient bon depuis des décennies, réparé des ponts de bois abîmés par l’hiver, et même, une fois, refait l’escalier tournant de la maison du notaire, un ouvrage dont il parlait encore avec une petite fierté.

Le soir, quand le soleil couchait ses dernières lueurs sur les toits de Fomperron, Jean rangeait ses outils un à un. Le village reprenait vie autour de lui : les enfants jouaient près du puits, les chiens aboyaient, une bouffée de soupe chaude flottait depuis les cuisines. Il rentrait chez lui avec cette fatigue pleine et simple, celle de quelqu’un qui sait que, grâce à ses mains, quelque chose dans le monde tient debout un jour de plus.

A la maison Marie Boutin sa femme l'attendait pour la soupe. Il s'étaient mariés en 1732 à l'église de Fomperron, où le curé Chalmel avait béni leur union. Et quatre enfants ont vu le jour : Louis en 1733, Pierre en 1735, Marie en 1737 et Marie Anne en 1741.

Hélas, en cette année 1741, Jean Aubin le charpentier est décédé prématurément, il n'avait que 48 ans. Il n'a pas connu sa dernière fille qui est née après son décès.

Marie Boutin s'est remariée en 1745 avec Jean Rossard, lui même veuf avec des enfants, et plus tard, pour plus de commodités, Jean Rossard et Marie ont marié leurs enfants entre eux. Louis Aubin a épousé Marie Rossard, Pierre Aubin a épousé Marie Rossard (deuxième du nom) et Marie Aubin a épousé Jean Rossard (ce sont eux qui sont dans notre lignée). Tout s'est passé en famille, pourquoi se compliquer l'existence...




 

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