D comme... Droguetier ou Tisserand




 

Pierre Barrot est né à Saint-Sauvant vers 1670. Il est le fils de Pierre Barrot et Marie Bernard. En 1698 il épouse à Saint-Sauvant Magdelaine Février, la fille de Jacques Février et Marie Cousin.

Au cœur du village de Saint-Sauvant, lorsque les premières lueurs de l’aube glissaient sur les toits de tuiles brunes, une fenêtre s’ouvrait toujours avant les autres. C’était celle de Pierre Barrot, le droguetier. Les habitants savaient que, dès que la petite lanterne apparaissait derrière les vitres embuées de son atelier, la journée pouvait commencer : la routine du village semblait rythmée par le battement régulier de son métier à tisser.

L’atelier de Pierre, adossé à sa maison basse, sentait la laine humide, le bois ciré et parfois la teinture encore chaude. À l’intérieur, les écheveaux pendaient comme des grappes de fruits ternes : bruns, gris, bleutés. Pas de couleurs flamboyantes ici, seulement celles du droguet, ce tissu humble mais robuste, mélange de chanvre et de laine, que l’on portait pour travailler aux champs ou pour affronter les saisons les plus rudes. C'était le tissu traditionnel de nos campagnes, ici pas de vêtements de soie, bien peu de lin, les tailleurs d'habits travaillaient principalement la toile ou le droguet.

Pierre Barrot avait appris l’art du droguet auprès de son père, comme celui-ci l’avait appris avant lui.

Ses mains épaisses, marquées par les années, glissaient avec une étonnante précision sur les fils. Chaque geste semblait hérité de générations silencieuses. Lorsqu’il s'asseyait de tout son poids sur le banc du métier à tisser, le bois gémissait doucement, puis un rythme naissait : clac-clac, chuint, clac-clac. On aurait dit une prière mécanique, patiente, familière à tout Saint-Sauvant.

Les passants s’arrêtaient parfois devant la porte entrouverte pour regarder le droguetier travailler. Les enfants, fascinés, observaient les fils se croiser et s’entremêler comme par magie. Pierre levait alors les yeux, offrait un sourire timide et, d’un geste, invitait les plus curieux à entrer sentir la texture rugueuse du tissu.

Il aimait expliquer, dans un murmure tranquille, comment la laine des brebis, achetée au moment de la tonte annuelle aux éleveurs du montmorillonais, se mêlait au chanvre, récolté par les laboureurs du village, pour donner cette étoffe, épaisse et honnête.

Après la récolte des graines de chènevis, les laboureurs déjà avaient assuré le rouissage et le séchage en plein champ des fibres de chanvre, avant de lui apporter leurs gerbes blondes.

Pierre maîtrisait ensuite les étapes suivantes, le teillage pour libérer les fibres longues de la chènevote ligneuse, le peignage pour en faire un long ruban blond et soyeux, enfin le pilage et le bobinage pour préparer le passage au métier à tisser.

Le dimanche, lorsque le marché animait la place du village, Pierre tenait un petit étal. Ses pièces de droguet attiraient moins l’œil que les paniers d’osier ou les pots vernissés, mais elles trouvaient toujours preneur : une cape pour un charretier, une longue blouse pour une fermière, parfois un manteau pour un moine de passage en quête de simplicité. « L’utile avant le beau », disait Pierre en repliant soigneusement chaque tissu.

Il avait une clientèle fidèle chez les tailleurs d'habits de la contrée, qui appréciaient la qualité de son droguet, laquelle les assurait d'une matière première fine et pourtant solide, pour les vêtements de travail qu'ils sauront en tirer.

On racontait que le droguetier connaissait mieux que quiconque les saisons : il sentait dans l’air le moment où la laine serait idéale, devinait la pluie juste en tâtant les fibres entre ses doigts. Mais ce que les villageois appréciaient surtout chez lui, c’était sa constance. Dans un monde qui changeait déjà trop vite, Pierre Barrot restait le gardien discret d'un savoir ancien, un homme dont l’ouvrage parlait pour lui.

Et chaque soir, alors que le soleil déclinait derrière le clocher, son métier à tisser s’arrêtait sur un dernier claquement sourd. La lumière de sa lanterne s’éteignait peu après. Saint-Sauvant retrouvait son silence, et chacun savait qu’au matin, le village se réveillerait encore au rythme obstiné du droguetier.

Pierre Barrot et Magdelaine Février ont eu ensemble au moins quatre enfants, ceux que j'ai pu identifier. Peut-être en ont-ils eu d'autres, mais la qualité des archives de Saint-Sauvant ne permet pas d'avoir de certitudes. Nous descendons de leur fille Magdelaine, née en 1708.

Pierre Barrot est décédé en 1728, il avait 58 ans. Je n'ai pas trouvé la date du décès de Magdelaine Février.




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