F comme... Farinier
Et pour illustrer ce métier, je vais choisir de vous parler de Georges Benest de la paroisse d'Augé...
Comme son nom l'indique, le farinier travaille au moulin. Il n'en est pas le propriétaire, il travaille pour un maître meunier, Georges est ouvrier farinier, payé à la semaine.
Georges est né en 1760, au moulin du Plessis, où son père Louis Benest était farinier avant lui. Il est le quatrième enfant d'une fratrie de dix.
Au Plessis le maître meunier possède deux moulins, un moulin à eau implanté sur le cours de la Ligueure, et un à vent implanté sur la hauteur. Le moulin à eau ne tourne que cinq à six mois dans l'année à cause de la sécheresse saisonnière et d'un niveau d'eau insuffisant l'été, alors c'est le moulin à vent qui prend le relais, car il faut bien fournir de la farine toute l'année aux villageois.
Le jour se lève à peine sur la vallée. Dans la brume du matin, le bruit régulier de la roue à aubes annonce que le moulin est déjà en fonction. Georges pousse la lourde porte de bois. L'air est chargé d'une fine poussière blanche qui colle à la peau et au souffle.
Son travail commence dès le lever du soleil. Le meunier a déjà réglé la meule dormante
et la meule tournante. Georges surveille le cours de l'eau qui fait tourner la roue. Il verse le grain dans la trémie, et le grincement du bois se mêle au grondement de la pierre.
Le blé descend lentement, broyé entre les meules, puis s'écoule en une poudre fine, la farine, l'or blanc du meunier, qu'il recueille dans un grand coffre.
Il doit sans cesser tâter la farine du bout des doigts pour en vérifier la finesse : trop grossière, elle mécontenterait les boulangers, trop fine, elle perdrait sa force pour lever la pâte. Parfois, il goûte une pincée, comme on goûte un vin.
Quand une bonne quantité est moulue, Georges passe à l'étape du criblage : il tamise la farine à travers des toiles de soie plus ou moins serrées. Il sépare la fleur de farine (la plus blanche) du gruau et du son .
Tout autour, les sacs se gonflent lentement, marqués au fer chaud du sceau du meunier.
La farine doit être pesée avec précision : une balance de fer suspendue au plafond sert à vérifier chaque sac. Georges sait qu'en cas d'erreur, les inspecteurs du roi peuvent débarquer, vérifier les poids et accuser le moulin de fraude, une faute grave pouvant entraîner la fermeture du lieu.
En temps ordinaire, le moulin du Plessis produit 250 kg de farine chaque jour dans le moulin à eau. Dans le moulin à vent on peut monter à 400 kg par jour, car il tourne en été, en pleine période des moissons.
Vers midi, une charrette arrive. C'est le marchand farinier, qui achète la farine pour la revendre aux boulangers d'Augé et de Saint-Maixent. Les sacs sont chargés un à un, dans un nuage de poussière. Les chevaux s'ébrouent, les roues grincent sur la terre humide.
Quand la charrette s'éloigne, Georges balaie le sol, racle les meules, et étend les sacs à sécher près du feu. La poussière blanche lui couvre le visage et les bras, comme une seconde peau. Ses poumons brûlent un peu, ce n'est pas la première fois qu'il tousse en fin de journée, mais il ne veut pas y penser...
En sortant, il jette un œil à la roue du moulin, encore tournante sous la lueur dorée du couchant. C'est un bruit qu'il aime, celui de la vie, du travail, du pain à venir. Demain, à la première lumière, il recommencera, comme tous les fariniers du royaume, invisibles mais essentiels, dans l'ombre des meules et la poussière du blé, à une époque où le pain était la base de l'alimentation populaire, et représentait souvent plus de la moitié du budget alimentaire du peuple.
Au cours de son existence, Georges a travaillé dans plusieurs moulins, à Saint-Maxire où il a fait son apprentissage, là où il s'est marié en 1786 avec Marie Pascault, et où est né son premier fils Jean, en 1787.
Puis au moulin de la Fenelière à Saint-Martin de Saint-Maixent où viendra au monde son deuxième fils Jacques en 1791 (celui-ci mourra à 21 ans en 1812, alors qu'il était soldat de la Grande Armée napoléonienne, à Lübeck aux Pays-Bas, alors département français nommé Les Bouches de l'Elbe).
Enfin il reviendra finir sa vie professionnelle au moulin de son enfance, celui du Plessis, toujours cher à son cœur.
Il a eu avec Marie Pascault trois enfants. Malheureusement en 1800, le 19 nivôse de l'an VIII de la République, Marie décède.
Georges se remarie peu de temps après, le 30 floréal an VIII, avec Marie Panoux, laquelle lui donnera six autres enfants, dont François notre ancêtre en 1808, lequel choisira plus tard le métier de sabotier. Il ne perpétuera pas la lignée de gens de farine.
Georges Benest décède au village de Peumont dans la commune d'Augé en 1816, il a alors 55 ans.
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