C
comme Cordonnier
Pour évoquer ce métier du
cuir, nous ferons appel à notre ancêtre François Elie, qui l'exerçait au XVIIe
siècle dans la paroisse d'Augé.
C'est le plus ancien des
ancêtres qui a pu être identifié dans notre branche des Elie.
Il est né vers 1627 et a
épousé dans le milieu du siècle Jeanne Desré. Nous sommes alors dans le milieu
du protestantisme, qui s'est beaucoup développé dans notre région à la faveur
de l'Edit de Nantes, promulgué en 1598 par Henri IV. Les registres protestants
ayant pour beaucoup disparu, les actes manquent pour être d'une précision
absolue.
François Elie et Jeanne
Desré auront au moins trois enfants : François et Renée, nés vers 1664, puis
René en 1673. Ce sont en tout cas les trois enfants qu'ils avaient en vie et à
leurs côtés en 1681, quand ils ont dû, comme de si nombreux huguenots, abjurer
leur religion, la baïonnette dans le dos, dans l'église d'Augé, lors des
dragonnades ordonnées par le roi Louis XIV. Ils figurent tous ensemble dans le
Rôle des Nouveaux Convertis à la foi Catholique Apostolique et Romaine, établi
par Monsieur René de Marillac, Baron d'Attichy, alors Intendant de la
Généralité du Poitou et grand ordonnateur de ces odieuses dragonnades.
Dans sa petite échoppe au
cœur du village d'Augé, François Elie s'affaire dès les premières lueurs du
jour. Une lampe à huile tremble sur l'établi, éclairant faiblement les outils
bien rangés : tranchet, alêne, marteau, pinces et bobines de fil poissé. Autour
de lui règne l'odeur forte du cuir et du cirage.
Vêtu d'un vieux tablier de
cuir, il travaille en silence. Ses mains sont habiles, son regard attentif. Il
découpe, coud, martèle, ajuste avec une patience infinie. Chaque geste est
précis, appris au fil des années et transmis de maître à apprenti. Dans son
atelier, on entend le rythme régulier du marteau sur la semelle, comme un cœur
qui bat.
Les villageois viennent tour
à tour déposer leurs chaussures usées : bottines trouées, sabots fendus,
souliers d'enfants à recoudre, François les accueille avec bienveillance, car
il connaît la valeur du service rendu. Peu à peu, les chaussures retrouvent
forme et solidité, prêtes à reprendre la route.
Mais ce qu'il préfère encore
c'est la fabrication. On prend la mesure du pied, on choisit la forme de bois,
celle qui se rapproche le mieux du pied à couvrir, on découpe le cuir au
tranchet, on le coud au fil de lin après l'avoir percé avec l'alêne, on ajuste
à la semelle avec le marteau et les pinces. Et voilà une paire de brodequins
qui vont pouvoir courir sur les chemins pendant des années, avant de revenir
dans ses mains expertes, pour de menues réparations.
Lorsque le soir tombe, la
lampe s'éteint et l'atelier s'apaise. François range ses outils, essuie ses
mains noircies et contemple son ouvrage. Il n'est point riche mais il est fier
: grâce à son savoir-faire, il a redonné vie à ce que d'autres auraient jeté.
Dans ce geste humble se cache tout l'honneur de son métier.
François Elie décède le 21 janvier 1702 à Augé. Il a alors 75 ans.
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