K comme... "Kroumir"

 



 

Certes, ce n'est pas un métier, ni une fonction, ni même un état. Mais pour boucler l'alphabet, il fallait bien une petite tricherie, elle sera pardonnée...

Le terme de Kroumir, au-delà d'être une des insultes favorites du capitaine Haddock, correspond au nom d'une tribu berbère de Tunisie, réputée dans l'ancien temps, pour ses actes de rapines. Et ce terme de kroumir est ainsi devenu dans l'argot du XIXe siècle, un terme pour désigner de façon méprisante un voyou, un voleur.

Alors je le rattacherai à Etienne Clisson (1778 - 1809).

Etienne est né à la Marchandière, dans la paroisse d'Allonne le 13 novembre 1778. Il est le fils de Jean Clisson, Bordier, et Marie Proust.  Il est le septième d'une fratrie de huit.

Etienne deviendra garçon meunier, au moulin Dubois, dans la paroisse d'Allonne.

Au cours de pluviôse et nivôse de l'an VIII (hiver 1800), une bande de brigands a écumé la Gâtine.

Le 4 pluviôse, sept hommes armés font irruption chez François Gaultier à la Boissière, où sous la menace, ils s'emparent d'un fusil, d'une jument avec sa selle et sa bride, le tout nuitamment et armés, et ils repartent après avoir tiré un coup de fusil dans la porte, manquant de blesser une servante.

Dans la même nuit, chez le citoyen Narguet, à la Petite Paillerie sur la commune de La Boissière, quatre individus entrent en force, mettent en joue les occupants, fouillent la maison, volent une arme, de la poudre et des balles.

Le 3 pluviôse, sept hommes armés de fusils et d'espingoles, entrent chez le citoyen Allard à La Renière, commune de la Boissière où sont volés une tabatière en argent, des bijoux arrachés du poignet de la fille de la maison, une somme de 50 francs en argent. Là encore la maison a été violemment fouillée et saccagée.

Le 3 pluviôse toujours, neuf hommes à l'Abbaye, paroisse d'Allonne, chez le citoyen Brouaud, se livrent au pillage, volant plusieurs armes, des couteaux, des ciseaux, des rasoirs et un sac d'argent.

Le 11 nivôse déjà, une troupe d'hommes armés, à Gourgé, se saisirent du citoyen Ingrand, taillandier, qui se rendait à la veillée chez le percepteur de Gourgé. Ils le prirent et le conduisirent chez le citoyen Brossard, cabaretier, pour retrouver le citoyen Robin, percepteur. Sous la menace des armes celui-ci dut ouvrir la porte de son logis, que les malandrins mirent en coupe réglée, volant une somme considérable de 1 947 Francs, la recette de sa perception, et une autre somme de 200 Francs lui appartenant en propre.

A la suite de l'enquête, six hommes ont été arrêtés et sont comparus devant le Tribunal Criminel de Niort, le 19 prairial an IX (8 juin 1801).

- Il s'agit de Mathieu Dumas, natif de Dordogne et résidant à Hérisson, présumé être le chef de la bande.

- Gabriel Chiquet, maréchal, natif d'Amailloux, demeurant lui aussi à Hérisson

- Louis Poupard, dit Berger, bordier, natif de Saint Aubin le Cloud, demeurant à Fénery

- Pierre Texier, natif de Chavagné, demeurant à Bougouin

- Louis Baty, cultivateur, natif et demeurant à Noirterre,

- Et donc notre Etienne Clisson, garçon meunier demeurant à Moulin Dubois, commune d'Allonne.

Au terme des débats, Poupard et Baty seront acquittés, faute de preuve formelle de leur participation à ces différentes exactions.

Mathieu Dumas sera reconnu comme le chef de la bande et ayant participé à chacune de ces rapines violentes. Il est condamné à 25 ans de travaux forcés.

Chiquet, Texier et Clisson sont reconnus complices et ayant participé à l'une ou l'autre de ces expéditions, et sont condamnés à 22 ans de travaux forcés.

Les quatre sont en outre condamnés à être exposés en place publique. Cette exposition sera accomplie le 26 fructidor an IX (13 septembre 1801), toute la journée ils seront exhibés à la population niortaise, avec au-dessus de leur tête un écriteau très lisible comportant leurs nom et prénom, ainsi que le motif de leur condamnation.

Il ne reste plus qu'à attendre dans les geôles niortaises, le passage de la chaîne des forçats, partie de la prison de Bicêtre à Paris, pour rejoindre, à pied, le bagne de Rochefort. La pratique de la chaîne avait pour effet de transformer le voyage en un long chemin de croix, qui traversait les villes et les villages, sous les quolibets de la foule des curieux. Un avant-goût des mauvais traitements qui les attendaient à leur destination finale.

Etienne Clisson arrive au bagne de Rochefort, dans la chaîne de Paris, le 5 vendémiaire an X (27 septembre 1801). Il y sera affecté aux travaux les plus durs de la construction des navires, ceux qu'on appelait alors les "travaux de grande fatigue", la manutention des pièces de bois les plus lourdes, le maniement des treuils de chargement, le halage des navires "à la cordelle", dans un sens ou dans l'autre, sur les 5 lieues (20 km) séparant le chantier naval de Rochefort de l'embouchure de la Charente. Et  tout ceci sous les coups et les cris des argousins et des garde-chiourme.

Etienne ne résistera pas 22 ans aux mauvais traitements, loin de là. Comme beaucoup de bagnards, il mourra en captivité. Le 20 novembre 1809, il décède à l'Hôpital de la Marine de Rochefort, après huit années de ces mauvais traitements. Il avait 31 ans.

Assurément à cette époque, être "kroumir" n'était pas un métier d'avenir...




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